Le texte de présentation de notre prochain numéro, intitulé « L’éthos intime de l’écrivain. Autour du journal et de la correspondance », coordonné par Arnaud Bernadet (Université McGill), avec la collaboration de Ian Byrd et d’Élisabeth Chevalier, peut désormais être consulté ici.
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Notion labile, inséparable de l’avènement de l’individu moderne et de son for intérieur, l’intime ne se confond pas pour autant avec la catégorie du privé par opposition au public. En régime littéraire, il s’inscrit certainement dans ce que Philippe Lejeune appelle « l’espace autobiographique », mais il peut prendre des formes aussi diverses que les journaux, carnets, notes ou correspondances. Dans tous les cas, il a pour vocation de dire vrai sur soi-même.
Avec le déploiement de l’intime, on assiste à l’émergence de ce que Michel Foucault reconnaissait dans son séminaire sur L’herméneutique du sujet (1982) sous l’espèce d’une « fonction éthopoiétique », l’écriture devenant « l’opérateur de la transformation de la vérité en êthos ». Plus encore qu’à une fonction, l’écriture de soi renvoie à une poétique définie globalement comme éthique du discours, articulant étroitement le sujet de l’énonciation et le sujet de la conduite (conduite de soi devant les autres). Si la parole « vaut engagement » ou « vaut lien », c’est que cette valeur découle de sa qualité artistique même. En croisant des œuvres de la tradition française et québécoise, de Benjamin Constant à Jeanne Lapointe et Marie Uguay, c’est cette question que les articles réunis dans ce dossier tâchent d’explorer.